Intervention de Jean MALLOT sur le travail du dimanche en commission

Publié le par Jean Mallot

M. Jean Mallot. Il est normal que nous prenions le temps de débattre. C’est le propre du travail en commission. Tous les arguments doivent être avancés, toutes les options doivent être étudiées, afin que soit préparé correctement l’examen du texte en séance publique. Je me réjouis, à cet égard, que notre réunion soit animée et bénéficie de la participation de très nombreux commissaires.

J’observe que le rapporteur a appelé de ses vœux la tenue d’un débat qui ne soit pas marqué par la caricature. Le paradoxe est que cette recommandation semble concerner davantage le groupe UMP que l’opposition. En outre, la belle « unanimité » dont on nous dit qu’elle rassemble l’UMP autour de cette question du travail dominical m’incite à vouloir lui donner satisfaction en l’invitant à examiner la proposition de loi en séance publique un dimanche.

Par ailleurs, j’ai relevé quelques arguments étonnants dans l’exposé des motifs de ce texte. Ainsi, selon l’auteur de la proposition de loi, les dérogations au repos dominical permettront d’apporter une solution aux embouteillages qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. Autre argument surprenant : il faut encourager le travail dominical car, désormais, un Français sur trois fait ses achats sur internet. Je ne saisis pas très bien le fondement de cette argumentation.

Pour revenir au dispositif, le point central de la discussion porte sur la liberté de choix du salarié. Si elle existait vraiment, la discussion serait moins orageuse. Mais, en vérité, cette notion de liberté est irréaliste. On ne choisit pas de travailler le dimanche parce qu’on est libre : on est contraint de le faire parce qu’il faut bien gagner assez d’argent pour pouvoir vivre correctement. De même, on n’est pas libre de travailler jusqu’à 70 ans : on y est contraint pour ne pas être obligé de survivre avec une petite retraite.

C’est pourquoi je pense qu’en raison du lien de subordination qui entrave la liberté du salarié, la marge de manœuvre de ce dernier est plus que réduite en ce qui concerne le travail dominical.

J’en viens aux conséquences concrètes du travail dominical. Elles sont au nombre de deux : d’une part, l’ouverture des commerces ce jour-là ne créera aucun emploi supplémentaire, mais au contraire en détruira dans le secteur du petit commerce ; d’autre part, l’ouverture d’un commerce occasionnant toujours des frais, ce texte accroîtra ceux-ci et aura pour effet de pousser à la hausse le prix de vente des produits.

En ce qui concerne les conséquences autres qu’économiques, le dispositif proposé induira un développement du trafic routier et aura un effet « tâche d’huile » sur l’ensemble de la vie collective quelque peu contradictoire avec le Grenelle de l’environnement.

Nous tenons à ce qu’il y ait un jour de repos dans la semaine, indépendamment de la dimension religieuse de ce principe. Nous estimons en effet que se distraire, ce n’est pas se promener dans des centres commerciaux pour contempler, sur des étals, les marchandises qu’on ne pourra pas acheter.

Par ailleurs, ce texte va poser un problème d’égalité entre les salariés. Ainsi, la fameuse règle relative au doublement de la rémunération ne s’appliquera pas à tous les salariés : la coexistence de plusieurs catégories de salariés ne manquera pas de susciter des difficultés sur le plan constitutionnel.

La disposition prévoyant qu’à défaut d’un accord, la décision de l’employeur d’ouvrir le dimanche doit être approuvée par référendum soulève aussi des difficultés. Quelles seront en effet la valeur et la portée juridique de cette consultation ?

Enfin, la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social prévoit que le vote de toute loi modifiant le code du travail doit être précédé d’une concertation avec les partenaires sociaux. Or je crois pouvoir dire que cette proposition de loi ne respecte pas cette règle, qui est pourtant essentielle.

Publié dans A l'assemblée

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