Communiqué sur la venue de KADHAFI en France

Publié le par Jean Mallot

Les raisons d’une telle visite ?

Le Parti socialiste regrette cette visite. Nous ressentons un véritable malaise. Il y a une forme d’indignité. Pour nous, plus qu’une erreur, cette venue est une faute. L’auteur de cette faute étant le président de la République, Nicolas SARKOZY.
Si on s’interroge pourquoi, nous devons dire que ce n’est pas n’importe quelle visite qui va se dérouler. C’est une visite officielle de 5 jours. En réalité la France, patrie des droits de l’Homme déroule le tapis rouge sous les pieds du colonel KADHAFI et l’accueille en grande pompe.
Nous sommes la première et à ce jour la seule démocratie occidentale à le faire. Le colonel KADHAFI n’est pas allé à Washington, il n’est pas allé à Berlin, ni à Rome ou Madrid. Tout cela n’est pas un hasard.
Pour les tenants du commerce international, tous ces pays ont des relations commerciales fortes avec la Libye. On peut commercer avec ce pays sans lui dérouler le tapis rouge.

Absence de démocratie

Nicolas SARKOZY oublie plusieurs éléments qui caractérisent le régime de KADHAFI. Il y a d’abord l’absence totale de démocratie dans ce pays. L’opposition ne s’exprime pas, si ce n’est des rapports contradictoires au sein de la même famille celle de KADHAFI. Les droits de l’Homme y sont quotidiennement bafoués. Je suis président de la Commission sur la libération des infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne, incarcérés pendant 8 ans et demi en Libye. J’ai encore en tête la manière dont ils ont témoigné et les tortures qu’ils ont subies. Le médecin a eu des paroles extrêmement fortes, en disant qu’ils avaient vécu « l’enfer sur la terre ». Nous n’avons donc aucune raison de penser que ces pratiques ont cessé. Avant de célébrer le libérateur de ces infirmières et de ce médecin, je continue d’abord à condamner celui qui les a fait emprisonner, condamner alors qu’ils étaient innocents, qui les a fait torturer et ne les a libérés que moyennant une contrepartie. Nous connaissons maintenant cette contrepartie qui n’est pas essentiellement financière et de 160 millions de dollars.
Ce qui est déterminant se passe aujourd’hui. C’est la consécration que le président libyen reçoit en venant à Paris. C’est le fait qu’un grand pays comme la France l’adoube, alors que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Absence de droits de l‘Homme

L’autre élément que Nicolas SARKOZY oublie : certes la Libye a renoncé au terrorisme, certes elle s’est réintégrée dans la communauté internationale, certes on l’a vue participer à certaines conférences, certes l’embargo a été levé sur les ventes d’armes en 2003 et en 2004, mais il demeure que la condamnation du terrorisme de la part du colonel KADHAFI demeure à géométrie variable. Les propos qu’il a tenus dans une conférence à Lisbonne, sont préoccupants. On ne peut pas dire que le terrorisme est une arme légitime pour les faibles, ce n’est pas exact. La condamnation du terrorisme doit être sans excuse, sans exception, elle doit être totale. Dès lors, on peut être très choqué par cette image au moment où KADHAFI venait d’exprimer ses propos, de voir le président de la République française exprimer son «bonheur» de le recevoir ici. Si c’est cela qui le rend heureux, alors il y a quelques soucis à se faire sur sa définition du bonheur.

La France : une diplomatie de complaisance

Tout cela caractérise une diplomatie qui s’affirme comme une diplomatie de complaisance. Pendant sa campagne présidentielle, Nicolas SARKOZY a su trouver des accents qu’on pouvait juger heureux. Il insistait sur les droits de l’Homme, il proposait une politique éthique, un changement de discours et une rupture dans la politique internationale. On voit malheureusement Nicolas SARKOZY de plus en plus tourner le dos à ses promesses de campagne. Il a désormais une diplomatie non seulement réaliste, et même hyperréaliste voire cynique. La liste de ses nouveaux amis s’allonge. On a vu qu’il n’hésitait à frayer avec toute une série de régimes mais qu’il est extrêmement silencieux sur toute une série de questions. Même avec les États-Unis. Le coup de fil récent à Vladimir POUTINE était extrêmement choquant et même scandaleux. Comment féliciter le président de la Russie après des élections manifestement truquées, pas dignes d’une démocratie, mais d’une ploutocratie, avec 99 % de participation en Tchétchénie, et 99 % des suffrages pour le parti de POUTINE, cela méritait-il des félicitations ? Cela est tout un symbole.
Voilà pourquoi le Parti socialiste exprime sa réprobation. Voilà pourquoi nous regrettons que le président KADHAFI ait été invité à l’Assemblée nationale, symbole révolutionnaire s’il en est, symbole républicain s’il en est, symbole démocratique s’il en est. La place du colonel KADHAFI n’est pas dans les murs de l’Assemblée nationale française. Aucun député socialiste ne se rendra à la réception à l’hôtel de LASSAY qui n’aurait d’ailleurs pas du avoir lieu.

Les revendications du PS à la visite de KADHAFI

Le colonel KADHAFI étant là, ce que nous déplorons, mais nous demandons cependant à Nicolas SARKOZY d’être ferme sur 3 points et nous le jugerons à cela :
- 1°) Nous lui demandons d’être très ferme et très fort sur l’exigence des droits de l’Homme en Libye. La France ne peut pas se contenter de signer quelques contrats, elle ne doit surtout pas oublier ce qu’elle est.
- 2°) Concernant les infirmières bulgares et le médecin d’origine palestinienne, nous ne devons pas oublier que ces femmes et cet homme ont certes été graciés, extradés et libérés, mais que jamais la Libye n’a reconnu leur innocence et que leur jugement de culpabilité n’a pas été rapporté. Il faut que lors de cette visite à Paris, le colonel KADHAFI reconnaisse leur innocence. Nous attendons de Nicolas SARKOZY qu’il évoque ce sujet et qu’il le lui demande, car on ne peut pas se contenter d’obtenir une libération, moyennant des contreparties politiques sans être extrêmement ferme sur leur innocence qui est absolue, reconnue par chacun, sauf par le régime de KADHAFI.
- 3°) La troisième exigence concerne les garanties contre le terrorisme. Nous ne pouvons pas avoir de condamnation du terrorisme à géométrie variable. D’importants contrats de ventes d’armes ou de fournitures nucléaires sont envisagés pour cette venue à Paris. Nous n’avons rien contre le principe d’une logique commerciale, même si cette logique ne peut pas résumer une diplomatie. On ne peut pas être dans une logique qui fasse que le commerce permette de tout oublier. En revanche quand on commerce avec ce genre de pays, on doit exiger des garanties de sécurité. Quand on vent des missiles Milan, des avions Rafales et des centrales nucléaires, on doit s’assurer que l’usage de tout ceci est contrôlé et que tout cela ne peut en aucune façon nourrir le terrorisme.

Le Parti socialiste sera donc très ferme sur ces trois exigences.

Publié dans A l'assemblée

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