Projet de loi sur la modenisation du dialogue social

Publié le par Jean Mallot

Vous trouverez ci après une analyse du taxte sur lequel travaillent les députés ainsi que les principales interventions de Jean MALLOT



Le projet le plus dangereux de tout le quinquennat...!






La rénovation de la démocratie sociale dans notre pays est nécessaire, mais à condition de respecter les accords signés entre les partenaires sociaux. Le projet de loi sur la démocratie sociale et le temps de travail remet en cause brutalement l'équilibre auquel sont parvenus les partenaires sociaux dans la position commune du 9 avril 2008 et contient une série de mesures de régression sociale qui vont bien au-delà d'un nouvel assouplissement de la loi sur les 35 heures.

La durée hebdomadaire du travail en France est équivalente à celle de l'Allemagne, et cela n'empêche pas ce pays d'avoir une croissance supérieure à la notre (1,9% en 2008 contre 1,6%), d'avoir un commerce extérieur excédentaire et nous un déficit record.

La défiscalisation des heures supplémentaires et le rachat des jours de RTT pèsent fortement sur nos finances publiques sans permettre l'augmentation du pouvoir d'achat des Français (Retraités et chômeurs exclus). Le nombre global d'heures supplémentaires par salarié n'a pas augmenté. Ce sont les employeurs qui en décident en raison de leurs carnets de commande.

Le pragmatisme que revendique la droite avec le projet de loi sur la démocratie sociale et le temps de travail, conduit en réalité à déterminer au niveau de l'entreprise des dispositions encadrées aujourd'hui par la loi parce qu'elles sont déterminantes pour la santé et la sécurité des salariés.

La première partie du projet de loi prévoit qu'un accord d'entreprise sera valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant reçues au moins 30% des suffrages aux élections professionnelles et en l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages.

La deuxième partie fait de l'accord d'entreprise le niveau pertinent de la négociation collective sur les contingents d'heures supplémentaires, les repos compensateurs ou sur les modalités de modulation du temps de travail sur la semaine ou sur l'année. Toutes les dérives en matière de durée du travail seront possibles par simple accord d'entreprise, même minoritaire.

On est très loin de la position commune du 9 avril 2008 et des expérimentations par accord majoritaire d'entreprise pour déroger aux conditions de dépassement de certains contingents conventionnels d'heures supplémentaires. La protection issue des conventions collectives de branche disparaît, conformément à l'esprit de la loi Fillon de 2004 sur le dialogue social qui a remis en cause la hiérarchie des normes.

Ce ne sont pas les lois sur les « 35 heures » qui sont en cause dans le projet de loi. Les questions posées sont tout simplement celles du maintien dans notre pays de règles collectives de référence en matière de temps de travail et plus globalement de droit du travail.

Le projet de loi répond à une logique politique qui fait des droits sociaux un élément de la concurrence entre les entreprises. Il s'agit de faire prendre conscience aux salariés que la compétition économique ne se gagne que si les droits sociaux protecteurs des salariés sont les plus bas possibles.

Le projet de loi développe une vision des rapports sociaux ramenés à une relation la plus individualisée possible entre l'employeur et chacun de ses salariés. Le gré à gré de la défiscalisation des heures supplémentaires se développe avec les conventions de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois qui pourront s'appliquer à tout salarié, même en l'absence d'accord collectif.

Le projet de loi maintient la durée légale du travail à 35 heures, mais entre la durée légale et les différents maxima tout devient possible par accord d'entreprise, voire par accord individuel, au détriment de la santé et de la sécurité des salariés.

Le projet de loi va conduire à encore plus de précarité pour les salariés, à une dégradation sans précédent de leurs conditions de travail. Il ne peut y avoir de durée du travail à la carte entreprise par entreprise, voire salarié par salarié, pourtant c'est bel et bien ce qui est programmé, dans un rapport de forces défavorable aux salariés.

 

Les dépassements du contingent d'heures supplémentaires et la fin du repos compensateur

Par accord d'entreprise, seront fixées la limite du contingent annuel d'heures supplémentaires, la majoration des heures supplémentaires et la contrepartie en repos. Le dépassement du contingent se fera sans autorisation ni contrôle de l'inspection du travail.

Les accords d'entreprise pourront fixer les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos en cas de dépassement du contingent. C'est la fin du repos compensateur obligatoire fixé par la loi depuis 1977, protecteur de la santé et de la sécurité des salariés alors même que le rapport sur la pénibilité au travail qui vient d’être adopté indique que les problèmes de santé au travail sont de la responsabilité des salariés.

La banalisation et la déréglementation des conventions de forfait

La durée de travail de tout salarié pourra être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. Dans le cadre de ces conventions individuelles, la limite de travail sera de 48 heures par semaine. Ces conventions reviennent à intégrer dans le forfait les éventuelles heures supplémentaires, à ne plus les rémunérer et à ne plus accorder de contrepartie en repos.

C'est le temps de travail à la carte et l'opting-out à la française.

Les forfaits annuels en jours seront réservés aux cadres considérés comme autonomes et aux salariés dont la durée de travail ne peut pas être déterminée et qui disposent d'une réelle autonomie. La durée maximale de 48 heures par semaine n'est pas applicable à ces salariés. Ils ne seront protégés que par la durée de 11 heures de repos consécutifs par 24 heures, le repos hebdomadaire et les congés payés.

Le forfait fixé par la loi à 218 jours pourra, à défaut d'accord d'entreprises, atteindre jusqu'à 280 jours par an.

Ces salariés pourront travailler 280 jours, 6 jours sur 7, jusqu'à 13 heures par jour dans la seule limite de 60 à 65 heures par semaine, en cas d'adoption de la nouvelle directive sur le temps de travail que viennent d'approuver les ministres européens.

De même, les forfaits annuels en heures seront ouverts aux à tous les salariés disposant d'une autonomie dans leur emploi du temps.

Là aussi, ces salariés pourront être obligés de travailler jusqu'à 60 à 65 heures par semaine, en cas d'adoption de la nouvelle directive européenne.

L'unification par le bas des accords de modulation

Les modalités d'aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines pourront être définies par décision unilatérale de l’employeur dans les entreprises qui fonctionnent en continu.

Cette modification des conditions de négociation revient sur des équilibres difficiles entre les besoins économiques des entreprises et le respect des conditions de travail des salariés. Dans ce cas, les heures supplémentaires seront prises en compte et donc rémunérées au-delà de la limite de    1 607 heures par an.

Pour nous socialistes, la démocratie sociale doit être fondée sur le principe des accords majoritaires et la représentativité des organisations syndicales fondée sur l'élection à laquelle participent tous les salariés, à savoir les élections prudhommales, à condition que les dispositions d'ordre public social soient garanties par la loi.

Sous couvert d'assouplissement des 35 heures, des protections essentielles pour les salariés vont disparaître. Le projet de loi non seulement ne respecte pas le dialogue social, au point de compromettre la conduite des relations sociales à l'avenir, mais de plus, il met en cause la santé et la sécurité des salariés en faisant de l'entreprise le lieu où s'élaborent les dispositions législatives relevant de l'ordre public social.


Extraits des interventions de Jean MALLOT qui illustrent la thèse précédente

Amendement de suppression de la deuxième partie du texte

M. Jean Mallot   « Il s’agit de supprimer la partie scélérate du texte, celle qui viole la parole donnée, qui foule aux pieds la négociation sociale.  Le 18 juin 2007, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux à négocier sur les critères de représentativité. En décembre, il refermait le piège en leur demandant d’aborder la question du financement, mais aussi celle du temps de travail. »

J’ai d’abord cru qu’en profitant de l’occasion pour rouler les partenaires sociaux dans la farine par l’ajout subreptice d’une seconde partie, vous jouiez aux apprentis sorciers. Mais l’apprenti sorcier est celui qui déchaîne des événements dont il ne sera pas capable d’enrayer le cours alors que vous, « vous savez fort bien ce que vous faites ! »

M. Benoist Apparu (UMP)  « Et nous l’assumons ! »

M. Jean Mallot – « Vous voulez instaurer la société du dumping social, de la concurrence généralisée. De même, en permettant à chacun, y compris des fonctionnaires, de s’instituer auto-entrepreneur, la loi de modernisation de l’économie – dont M. Brottes pourrait nous parler – revenait à légaliser le travail au noir ! » (…) « Dans cette seconde partie, comme l’a rappelé M. Sirugue, vous allez jusqu’à remettre en cause les dispositions qui protègent la santé des travailleurs ! »(…) «  il s’agit du même débat de société ! Vous voulez changer la société française »

Plusieurs députés du groupe UMP – Eh oui !

M. Jean Mallot « Si une entreprise arrache un accord modifiant le contingent d’heures supplémentaires ou revoyant les salaires à la baisse, de quelle marge les salariés d’une entreprise voisine et concurrente disposeront-ils pour négocier ? Ils seront eux aussi broyés ! »

 

Autres amendements

M. Jean Mallot – Avec l’article 16, la mécanique est en place : il n’y aura plus de limites à la hausse en termes d’heures supplémentaires, et plus de limites à la baisse en termes de rémunération.

J’ai tenté hier de mettre en lumière le lien qui existe entre ce texte et le projet de loi de modernisation de l’économie.

Dans une entreprise, un salarié pourra effectuer un nombre d’heures supplémentaires illimité ou non, au bon vouloir du patron, et dans le même temps devenir « auto-entrepreneur ».

En fin de compte, l’articulation de ces deux lois aboutit à mettre les personnes en concurrence avec elles-mêmes. Il vous faudra, Monsieur le ministre, expliquer cela à vos bons amis de l’UPA, qui viennent de voter une motion de rejet du statut d’auto-entrepreneur, lequel impose selon eux une concurrence déloyale et menace le tissu économique. Plus généralement, il serait souhaitable que vous nous expliquiez quelle est la logique de ces dispositions et quel nouveau type de société il nous propose.

 

 M. Jean Mallot – L’amendement 309, identique, vise à concilier, Monsieur le ministre, les résultats de la négociation sociale et la loi. La position commune, d’ailleurs, offre un exemple a contrario puisque vous envisagez de la trahir en la transcrivant.

Avec cet amendement, nous proposons au contraire d’y revenir, comme nous l’avons fait lors de l’examen du projet de loi transcrivant l’ANI

Le premier alinéa de l’article 17 de la position commune dispose que ce sont les organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés qui peuvent conclure, « à titre expérimental, une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement qui précise l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires […], en fonction des conditions économiques dans l’entreprise et dans le respect des dispositions légales et des conditions de travail et de vie privée des salariés. »

Aux termes du second alinéa, ces accords sont soumis à l’évaluation préalable de la commission paritaire nationale de branche, avant leur dépôt auprès de l’autorité administrative compétente. Il est donc bien fait recours à l’autorité administrative, que vous avez réintroduite dans un certain nombre de dispositifs, tels que la rupture conventionnelle.

Pour conclure, je voudrais évoquer la joie qui se lisait sur le visage des députés de la majorité le jour où, prétendument par respect pour les partenaires sociaux, le groupe UMP auditionna des responsables de la CGT et de la CFDT. Ils avaient rencontré des syndicalistes et ils étaient tout ébaubis de leur propre audace ! Ce qui est plus triste, c’est qu’ils prétendaient avoir entendu leurs interlocuteurs, alors que les responsables syndicaux avouaient se sentir trahis. Cela montre bien le peu de considération que vous avez pour ces organisations.

Publié dans A l'assemblée

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