Intervention lors du débat sur le droit du travail

Publié le par Jean Mallot

M. Jean Mallot – Il a beaucoup été question, au cours de nos travaux, de « flexisécurité » ; pourtant, nombre d’entre nous ont observé – et M. Folliot lui-même, à l’instant – que ce texte transpose avec bien plus d’empressement les dispositions de l’ANI qui créent de la flexibilité que celles censées procurer plus de sécurité.

M. Roland Muzeau – Eh oui !

M. Jean Mallot – À l’évidence, le Gouvernement voulait aller dans le sens du patronat et il a fallu apporter bien des corrections au cours du débat parlementaire.

Le texte instaure la rupture conventionnelle du contrat de travail et le CDD à objet défini. Pour ce qui concerne la portabilité des droits prévue à l’article 14 de l’ANI, on renvoie par contre à des négociations ultérieures. Quant à la sécurisation des parcours professionnels, on en est encore loin et l’abrogation du CNE ne compense pas notre déception.

Fort opportunément, quelques amendements sont venus rapprocher le texte des dispositions de l’accord. Si tel n’avait pas été le cas, nous aurions considéré que l’ANI avait été trahi, dans la lettre comme dans l’esprit. Je salue notamment le retour à l’ANI pour la définition du CDI comme forme normale et générale du contrat de travail et la reprise dans la loi de la définition de la période d’essai. Mais j’insiste surtout sur l’amendement destiné à reprendre l’article 12 de l’ANI, pour faire en sorte que les salariés dont la rupture du contrat de travail est conventionnelle au sens de l’article 5 du présent texte bénéficient du versement des allocations d’assurance chômage dans les conditions de droit commun. J’observe que cet amendement avait été adopté à l’unanimité de notre Assemblée, après que le Gouvernement, par la voix de M. Bertrand, eut déclaré s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée « tout simplement parce qu’il y va du respect des partenaires sociaux » ! N’oublions pas cette formule ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

En première lecture, le Sénat a cédé à la tentation d’user de son pouvoir législatif pour, précisément, ne pas respecter les partenaires sociaux et l’accord qu’ils avaient conclu…

M. Dominique Dord, rapporteur de la CMP – C’est vrai mais, heureusement, nous étions là pour le ramener à la sagesse !

M. Jean Mallot – Je veux parler de l’amendement sénatorial qui supprimait la possibilité de faire appel de la décision des prud’hommes en cas de litige portant sur la rupture conventionnelle d’un contrat de travail, amendement manifestement contraire au principe du procès équitable tel que le pose l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Une telle disposition était de nature à rendre les salariés pour le moins « réticents » – pour le dire en langage diplomatique – à choisir ce mode de rupture.

En CMP, il a fallu tout le sens politique du président Méhaignerie pour que l’UMP ne se laisse pas emporter par son élan et mesure le danger qu’il y avait là, par cet amendement sénatorial, de donner un coup de canif à l’ANI. C’est en s’abstenant – courageusement ! – de prendre part au vote sur notre amendement demandant sa suppression que nos collègues de l’UMP ont laissé disparaître cette verrue législative. Cela a rouvert le débat qui se poursuivra certainement au cours des prochaines semaines sur les rapports entre la loi et le contrat, le pouvoir législatif et la négociation collective, la démocratie sociale et la démocratie politique.

Nous le savons bien, la relation entre employeur et salarié n’est pas équilibrée et c’est pourquoi la loi est nécessaire pour préserver le salarié et enrayer l’effet domino du dumping social. Face à une majorité aussi réactionnaire que celle qui le soutient, le Gouvernement a été tenté de modifier par la loi les équilibres obtenus par la négociation collective pour faire bouger le curseur dans le sens souhaité par le patronat, au détriment des salariés. À l’avenir, il serait bien inspiré de se souvenir de la formule de M. Xavier Bertrand : « Sagesse, tout simplement parce qu’il y va du respect des partenaires sociaux » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

retrouvez l'ensemble du débat sur
http://www.assembleenationale.fr/13/cra/2007-2008/193.asp#P198_73147

Publié dans A l'assemblée

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